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Pour Pia Hollenstein, protéger le climat est un droit humain fondamental. (c) Caroline Minjolle

« Le seul but de notre association, c’est de poursuivre la Suisse en justice », nous dit Pia Hollenstein avec malice. Ayant grandi avec huit frères et soeurs dans une ferme de  montagne en Suisse, elle a rapidement appris à s’imposer. Et même au tribunal, s’il le faut. « On n’attache pas une chèvre », lui dit son père lorsqu’elle avait 7 ans. Avant d’aller à l’école, elle gardait donc la chèvre. Comme ancienne membre du Conseil national pour le parti des Verts, infirmière ou enseignante en école professionnelle, Pia Hollenstein s’est occupée toute sa vie durant de nature et de questions de santé – y compris hors de son pays. Pendant trois ans, elle a dirigé un centre de santé en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Au fil du temps, elle est « devenue de plus en plus consciente de l’importance de protéger l’environnement ». Elle a manifesté à Berne contre le dépérissement forestier. En 1991, elle a obtenu le premier siège des Verts au Conseil national. Elle a perçu le changement climatique pour la première fois sur les sommets de 4 000 mètres en Suisse au cours de ses sorties d’alpinisme. Lorsqu’elle est retournée sur les mêmes montagnes des décennies plus tard, elle a dû marcher une heure de plus, « car il n’y avait que des gravats, et plus de neige ». Tout cela a fait réfléchir Pia. « À mon avis, il est dramatique que nous ne prenions pas soin de notre précieuse eau de glacier. » À 73 ans, elle pourrait pourtant profiter de la retraite. Au lieu de cela, le 29 mars 2023, elle et d’autres femmes de l’association « Aînées pour la protection du climat Suisse » se sont rendues à la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg. S’y est tenue l’audience publique faisant suite à la plainte qu’elles avaient déposée deux ans plus tôt, au sujet du droit à la santé. En Suisse, elles avaient été déboutées par toutes les instances juridiques, y compris le Tribunal fédéral. Des études montrent que les vagues de chaleur touchent plus les femmes âgées que les hommes. C’est pourquoi, en 2016, l’association des Aînées pour la protection du climat Suisse a été créée, avec le soutien de Greenpeace. Elle compte aujourd’hui environ 2 600 plaignantes. « Pour la première fois, une plainte porte sur une violation des droits de l’homme, pas seulement sur la protection de l’environnement », explique Pia Hollenstein. La plainte suscite un intérêt international. Pia a déjà donné des dizaines d’interviews, notamment pour la radio australienne ou à une journaliste émiratie. Il·elle·s se seraient intéressé·e·s à ces « femmes âgées qui viennent de Suisse ». Le style de Pia, drôle et déterminé, impressionne. Elle prononce des allocutions pour « Fridays for Future » et participe, en tant que catholique, à des événements de l’Église pour la protection du climat. « De cette manière, on peut toucher une part importante de la population, qui pourrait en faire bien plus qu’aujourd’hui. » Elle déclare être plus souvent invitée par des communautés protestantes que catholiques. « Dans ce milieu, il y a une plus grande prise de conscience. » Elle passe beaucoup de temps dans la nature, ce qui est bénéfique non seulement à sa forme physique mais aussi à son état mental. « Cela me procure la force nécessaire. » Elle continue à faire des randonnées et de l’escalade, mais plus à des altitudes de 4 000 m – elle serait trop lente pour cela. « Je bouge beaucoup et j’ai une approche positive de la vie. » La persévérance de Pia et des autres Aînées pour le climat a fini par payer : le 9 avril 2024, la Grande chambre de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a jugé que la Suisse violait les droits humains des femmes âgées en raison de son manque d’initiative pour lutter contre le changement climatique qui progresse.